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Champ avec fleurs de pissenlit

Reporting ESG : « Les PME découvrent un nouveau monde »

21 avr. 2023

Entrée en vigueur en Janvier 2023 dans l’Union européenne, la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) régit la comptabilité extra-financière. Marc Boissonnet, Vice-Président exécutif de Bureau Veritas, décrypte la nouvelle obligation pour les entreprises de publier un rapport de durabilité.

Que change la directive CSRD sur le reporting de durabilité des entreprises, qui s’appliquera en janvier 2025 ?

D’abord, elle normalise le reporting extra-financier des entreprises. Aujourd’hui, 11 000 entreprises en Europe sont soumises à une obligation de reporting sur des thèmes non financiers rentrant dans le spectre de l’ESG (environnement, social et gouvernance), mais il n’y a pas de thèmes ou d’indicateurs imposés à toutes, et d’une année sur l’autre, les entreprises peuvent occulter ou non des informations. Ce ne sera plus possible demain car la directive définit précisément ce que chacun doit reporter, dans une logique semblable au reporting financier. Elles devront informer non seulement si l’environnement peut avoir un impact sur leur activité et leurs finances (on appelle cela la matérialité financière), mais aussi comment elles-mêmes impactent l’environnement (matérialité d’impact). La CSRD introduit ce principe de double matérialité alors que la directive actuelle, datant de 2014, se concentre sur la simple matérialité.

Le deuxième grand changement est l’application progressive de cette norme à cinq fois plus d’entreprises qu’auparavant, pour atteindre 55 000 entreprises à terme, y compris des entreprises étrangères basées en Europe, afin d’avoir une égalité entre les acteurs.
 

Il y a aussi une nouvelle obligation de résultat…

Oui, il ne s’agit plus simplement de dire quelles sont vos émissions de CO2 et votre consommation d’énergie, mais de présenter en complément votre plan d’action pour réduire vos émissions afin de respecter les objectifs de l’accord de Paris. Les auditeurs de durabilité devront vérifier que ces plans sont adaptés. Auparavant, les rapports de durabilité étaient vus comme une sous-partie de la finance, contrôlés par des sociétés d’audit, mais désormais il y aura un contenu technique beaucoup plus fort. Cette directive est loin d’être anodine. Elle mobilise et engage vraiment l’entreprise de façon vertueuse, car les Etats ne pourront pas tout seuls assurer la transition écologique.

Des fédérations d’entreprises s’inquiètent du fardeau des normes environnementales et du risque de perte de compétitivité...

Le reporting prend du temps, mais c’est un point de passage obligatoire. Comment peut-on engager la transition écologique si on ne mesure pas les choses ? Oui, cela a un coût, mais c’est un mal nécessaire. En outre, si les entreprises sont obligées d’inclure le thème du climat dans leur rapport de durabilité, elles auront la main pour considérer si un reporting est approprié pour d’autres domaines de l’environnement comme la biodiversité, l’économie circulaire, la pollution de l’eau… Et les auditeurs vérifieront ensuite. C’est beaucoup de travail pour les grands groupes, mais ils sauront faire. Le point d’attention, ce sont les PME : elles découvrent un nouveau monde, et pour la plupart elles n’ont jamais fait de reporting ESG. Il faut que les grands donneurs d’ordre aident leurs fournisseurs à se préparer.

Cette directive ne doit pas être confondue avec le devoir de vigilance des entreprises, débattu en ce moment entre les institutions européennes...

Non car pour la CSRD, la messe est dite : elle a été votée en trilogue en décembre 2022. Le travail législatif est terminé et la balle est dans le camp des Etats-membres qui doivent la transposer dans leur législation nationale d’ici à la fin 2023. Tout le monde se prépare à utiliser ces nouveaux textes pour son reporting.

Cette interview a été réalisée par L'Opinion et est disponible ici.